ASEQ-EHAQ

L'Association pour la santé environnementale du Québec / Environmental Health Association of Québec

Questions et réponses sur les Aspects Juridiques de la Sensibilité Chimique Multiple (SCM)

Questions et réponses sur les Aspects Juridiques de la Sensibilité Chimique Multiple (SCM)

Épauler la Communauté et Retirer les Barrières (ECRoB)

La sensibilité chimique multiple (SCM) est-elle reconnue comme un handicap par la loi ?

La sensibilité chimique multiple est un handicap reconnu par la Commission canadienne des droits de la personne et protégé par la Loi canadienne sur les droits de la personne (CCDP, 2007 ; LCDP, 2007). Les personnes atteintes de ce handicap ont des droits, des avantages et des recours juridiques spécifiques dans le cas où elles se heurtent à des barrières à l’accessibilité ou à une discrimination en raison de leur handicap.

Quels sont les droits des personnes atteintes de SCM ?

Tout comme pour les autres handicaps, les personnes atteintes de SCM peuvent bénéficier de droits et d’avantages prévus par la loi.

Ces avantages peuvent inclure :

● une protection contre la discrimination

● l’accès à des accommodements

● un accès sans barrières aux services et aux établissements d’enseignement

● l’éligibilité aux programmes d’aide aux personnes handicapées financés par le gouvernement.

Que dois-je faire si je suis victime de discrimination en raison de la SCM ?

Il est conseillé de consulter un professionnel du droit qui connaît les droits des personnes handicapées et les lois spécifiques de votre juridiction. Si vous êtes confronté(e) à des barrières financières pour obtenir un conseil juridique, essayez de consulter les bureaux d’aide juridique de votre province ou de votre territoire.

Comment puis-je prouver une discrimination fondée sur la SCM ?

Veillez à conserver des dossiers et des documents, tels que :

  • votre demande d’accommodement (et les réponses à cette dernière)
  • de la documentation de vos prestataires de soins de santé.
  • les registres de communication
  • des notes ou un journal indiquant la date et l’heure
  • vos antécédents d’exposition
  • vos dossiers financiers
  • des rapports d’incidents
  • de la documentation médicale
  • des photographies et des vidéos
  • des dossiers d’ordonnances
  • des rapports d’inspection des biens
  • des dossiers publics ou messages sur les médias sociaux démontrant des préjugés ou des discriminations
  • des témoignages de témoins.

Puis-je demander une indemnisation si ma SCM résulte d’une exposition sur le lieu de travail ?

En fonction des lois locales, vous pourriez avoir droit à une indemnisation des travailleurs ou à d’autres formes d’aide si vous pouvez prouver que votre SCM s’est développée en relation à votre lieu de travail.

Comment puis-je savoir quels produits chimiques ont été utilisés dans un parfum ?

Les parfums étant considérés comme des secrets commerciaux, les fabricants peuvent légalement omettre de divulguer les détails des produits chimiques qui les composent. (CSC, 2022)

Les produits doivent-ils porter des étiquettes d’avertissement pour les produits chimiques susceptibles de déclencher une SCM ?

Au moment où nous écrivons ces lignes, les réglementations actuelles en matière d’étiquetage ne permettent pas d’alerter correctement les consommateurs sur les risques posés par les produits chimiques utilisés. Certains endroits peuvent exiger des étiquettes pour des produits chimiques spécifiques, mais tous les produits chimiques susceptibles de déclencher des symptômes de sensibilité chimique multiple ne seront pas nécessairement étiquetés. (Sarantis, 2010)

La sensibilité chimique multiple est-elle reconnue internationalement comme un handicap ?

La reconnaissance de la sensibilité chimique multiple varie d’un pays à l’autre. Alors que certains pays ou régions peuvent la reconnaître officiellement comme un handicap, d’autres peuvent ne pas le faire. Les pays qui reconnaissent la SCM sont l’Allemagne (1998), suivie du Danemark, de l’Autriche, du Luxembourg, de l’Espagne et de la Finlande. En Allemagne et en Autriche, la sensibilité chimique multiple est classée sous le code T78.4 de la CIM-10. Le Japon a reconnu la sensibilité chimique multiple et, dans son système de santé, le code T65.9, affections respiratoires non spécifiées dues à l’inhalation de fumées, de gaz et de vapeurs chimiques, figure également dans la CIM-10. Aux États-Unis, la SCM a été partiellement reconnue par plusieurs autorités médicales ainsi que par des lois telles que l’American with Disabilities Act (ADA). La sensibilité chimique multiple est également reconnue comme un handicap au Canada, en Allemagne et en Australie.

Des cas de SCM ont-ils déjà été portés devant des cours ou des tribunaux ?

Plusieurs cours et tribunaux dans de nombreuses juridictions canadiennes ont statué sur des cas liés à la SCM.

Comment puis-je plaider en faveur d’une meilleure protection juridique pour les personnes atteintes de SCM ?

Rejoindre ou soutenir des organisations dédiées à la sensibilisation à la SCM, contacter vos représentants locaux et éduquer le public peuvent être des moyens efficaces pour plaider en faveur de protections juridiques plus fortes.

Lorsque nous parlons d’un handicap reconnu par la loi, qu’entendons-nous exactement ?

Nous faisons référence ici à quelques lois dans le contexte fédéral, notamment la Politique sur les hypersensibilités environnementales, qui a été officiellement adoptée en 2007 et mise à jour en 2014 et 2019 par la Commission canadienne des droits de la personne. Elle fournit des conseils sur la création de lieux de travail sans parfums et d’utilisation de produits les moins toxiques, conformément aux obligations des employeurs sous réglementation fédérale en matière de droits de la personne, et elle est appuyée par la Loi canadienne sur les droits de la personne. Il existe également la loi sur le Canada accessible, adoptée en 2019, qui vise à repérer, supprimer et prévenir les barrières auxquelles sont confrontées les personnes handicapées dans un cadre fédéral. Dans le contexte provincial, un handicap est défini conformément à la législation provinciale. Bien que la SCM ne soit pas explicitement reconnue comme un handicap, certains cas passés ont pu l’établir.

Comment savoir quelles lois s’appliquent et auprès de quelle commission ou de quel tribunal déposer votre plainte ?

Pour ce faire, nous devons nous référer à la répartition des pouvoirs établie dans la loi constitutionnelle de 1867 (articles 91 et 92).

D’une part, le contexte fédéral s’applique lorsque la discrimination a lieu dans les organisations du gouvernement fédéral et dans les organisations et entreprises réglementées par le gouvernement fédéral, telles que les communications, les transports, les banques, etc. La plainte doit être déposée auprès de la Commission canadienne des droits de la personne ou éventuellement d’autres tribunaux. Les lois qui peuvent s’appliquer comprennent la loi canadienne sur les droits de la personne, la loi sur l’accessibilité du Canada et la loi canadienne sur les transports.

D’autre part, le contexte provincial s’applique lorsque la discrimination se produit dans des actes publics et privés dans des domaines sociaux spécifiques, comme par exemple la réception de services du gouvernement municipal ou provincial ou d’entreprises privées, l’emploi qui relève de la juridiction provinciale et la location de logements. Cela peut également inclure les agences gouvernementales provinciales, telles que les ministères et les agences provinciales, les sociétés d’État provinciales et les agences et entreprises réglementées par la province, telles que les écoles, les hôpitaux, les logements publics et les restaurants. Si la discrimination se produit dans l’un de ces contextes, la plainte peut être déposée auprès de la commission provinciale des droits de la personne. Chaque province et territoire possède sa propre commission, de sorte que celles qui s’appliquent sont celles dans lesquelles la discrimination s’est produite.

Si le problème est lié au travail, la Commission fédérale ou provinciale/territoriale des accidents du travail peut également être utilisée pour déposer une plainte.

Il est également essentiel d’obtenir un avis juridique dans chaque cas afin de déterminer le forum approprié. Certaines affaires qui soulèvent des questions de droits de la personne peuvent également être portées devant d’autres tribunaux et d’autres forums, et dans certains cas, il peut être conseillé de formuler les questions juridiques d’une autre manière plutôt que dans le contexte des droits de la personne pour augmenter les chances de succès. Il est important d’obtenir des conseils juridiques à un stade précoce afin d’être informé des options possibles et de la meilleure façon de procéder.

Qu’est-ce que l’obligation d’accommodement ?

L’obligation d’accommodement est une obligation légale qui donne aux personnes handicapées les mêmes chances qu’aux autres. Le devoir du fournisseur d’accommodements consiste à travailler en coopération pour trouver la solution la plus appropriée qui réponde aux besoins de l’individu liés à son handicap.

Les accommodements sont fortement personnalisés en fonction des besoins particuliers de la personne handicapée et du contexte en question.

Les limites de l’obligation d’accommodement, ou plutôt la défense contre l’absence d’accommodements appropriés, sont appelées « contraintes excessives ». Le fournisseur d’accommodement n’est pas tenu de fournir les accommodements s’ils lui causent une contrainte telle qu’elle devient « excessive ». Le terme « excessif » est un terme juridique. Bien qu’il existe des différences subtiles entre les lois fédérales, provinciales et territoriales sur les droits de la personne, les tribunaux ont clairement indiqué que la contrainte excessive est une norme élevée à respecter et qu’elle doit être fondée sur des faits. Ce qui est considéré comme un accommodement approprié et ce qui est considéré comme « indu » est déterminé au cas par cas.

Existe-t-il des délais pour déposer un dossier auprès d’un tribunal ou d’une cour afin d’obtenir un accommodement ou une compensation pour votre handicap ?

Il est important de garder à l’esprit que certains délais doivent être respectés.

Pour toutes les commissions des droits de la personne, il est important de vérifier cette information pour chaque commission individuellement.

Pour les affaires fédérales, vous avez jusqu’à 12 mois après le dernier acte de discrimination dont vous voulez vous plaindre. Si votre plainte est tardive, vous devrez expliquer pourquoi vous pensez que la Commission devrait encore l’accepter. Par exemple : une maladie prolongée qui a empêché la personne de déposer sa plainte dans les délais.

Pour obtenir des informations juridiques spécifiques à la province sur la manière de déposer une plainte en matière de droits de la personne, veuillez consulter notre site web : https://aseq-ehaq.ca/legal-2/.

Quels sont les barrières à la justice pour les personnes atteintes de SCM ?

Malgré le fait que ces instruments juridiques soient en place aux niveaux provincial et fédéral, il existe encore plusieurs barrières à l’accès à la justice pour les personnes atteintes de SCM.

  1. La première barrière est liée à la preuve du handicap. Il est important de noter qu’en matière de droits de la personne, nous n’avons pas besoin d’un diagnostic – en théorie en tout cas. Dans la pratique, l’absence de diagnostic médical peut constituer une barrière importante. Bien que la SCM soit reconnue comme un handicap, la personne qui demande des accommodements liés à son handicap doit encore prouver qu’elle est une personne handicapée. Étant donné que la communauté médicale n’est pas bien informée sur cette condition, très peu de médecins sont en mesure de poser un diagnostic. Il est donc difficile d’obtenir la preuve que la SCM est un handicap.
  1. La deuxième barrière est que les avocats, comme les médecins, ne sont pas bien formés à cette condition et qu’il est difficile de représenter une personne si l’on ne comprend pas son handicap.
  1. La troisième barrière s’inscrit dans la continuité de cette tendance, à savoir qu’il est difficile d’obtenir une expertise en matière de SCM dans les tribunaux, car peu de personnes sont formées de manière adéquate sur le sujet.
  1. La quatrième barrière est que les tribunaux ne sont pas familiers avec la SCM, et que les convaincre demande donc encore plus d’efforts.
  1. La cinquième barrière est que les ressources juridiques, en particulier provinciales et territoriales, sont fragmentées et qu’une personne malade et sans expérience juridique ne comprendrait pas nécessairement les processus et les outils pour obtenir justice par elle-même.

Quelles sont les conséquences socio-économiques du non-accès aux accommodements raisonnables pour les personnes atteintes de SCM ?

Les conséquences socio-économiques du non-accès aux accommodements raisonnables pour les personnes atteintes de SCM sont multiples. Les impacts sont particulièrement importants en termes d’arrêt de travail et de revenus. Pourtant, ces personnes sont aussi éduquées que le reste de la population. Notamment :

  • Les personnes atteintes de SCM gagnent entre 20 000 et 39 999 dollars par an, alors que les personnes non handicapées gagnent entre 40 000 et 60 000 dollars par an.
  • 41 % des personnes atteintes de SCM sont dans l’incapacité de travailler.
  • 65 % d’entre elles gagnent moins de 20 000 dollars par an.

Parmi les personnes atteintes de SCM qui ne peuvent pas travailler

  • 34% ont un diplôme post-secondaire/universitaire ;
  • 50 % de ces femmes qui ne peuvent pas travailler ont un diplôme post-secondaire ou universitaire ;

Quant aux personnes atteintes de SCM qui travaillent, elles signalent une augmentation de l’hostilité et des conflits sur le lieu de travail en raison du fait que les gens ne comprennent pas leur état et les croient à tort déraisonnables dans leurs exigences.

En résumé, le manque d’éducation sur la condition et le manque d’accès à la justice affectent non seulement les personnes atteintes de SCM, mais aussi la société dans son ensemble.

Cette fiche d’information est fournie à des fins éducatives uniquement et ne constitue pas un avis juridique. Il est essentiel de consulter un professionnel du droit qualifié pour obtenir des conseils adaptés à votre situation et à vos besoins spécifiques.

Références

ASEQ-EHAQ. (2023). Association pour la santé environnementale du Québec /

Environmental Health Association of Québec.. Provenant de https://www.aseq-ehaq.ca

Loi canadienne sur les droits de la personne. (2007).

Commission canadienne des droits de la personne. (2019). Politique concernant l’hypersensibilité environnementale.

https://www.chrc-ccdp.gc.ca/fr/ressources/publications/politique-concernant-lhypersensibilite-environnementale

Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail. https://www.ccohs.ca/oshanswers/hsprograms/scent_free.html

Campaign for Safe Cosmetics (CSC). (2022). Fragrance.

https://www.safecosmetics.org/chemicals/fragrance/. En anglais seulement.

EWG Skin Deep® | What is PROPRIETARY INGREDIENTS

https://www.ewg.org/skindeep/ingredients/704369-PROPRIETARY_INGREDIENTS/. En anglais seulement.

Sarantis, H., Naidenko, O. V., Gray, S., Houlihan, J., Malkan, S., & Environmental Defence.(2010). Not So Sexy: The Health Risks of Secret Chemicals in Fragrance,

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https://environmentaldefence.ca/wp-content/uploads/2016/01/FragranceReport.pdf. En anglais seulement.

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https://ifrafragrance.org/priorities/ingredients/ifra-transparency-list. En anglais seulement.

Vuokko A., Karvala K., Suojalehto H., Lindholm H., Selinheimo S., Heinonen-Guzejev M., Leppämäki S., Cederström S., Hublin C., Tuisku K., et al. Clinical Characteristics of Disability in Patients with Indoor Air-Related Environmental Intolerance. Saf. Health Work.

2019;10:362–369. doi: 10.1016/j.shaw.2019.06.003. En anglais seulement