ASEQ-EHAQ

L'Association pour la santé environnementale du Québec / Environmental Health Association of Québec

Votre voix compte

Quand la vie devient un cauchemar

Mon histoire de vie avec des sensibilités chimiques multiples

Danielle Castonguay

Ma vie avant de souffrir de sensibilité chimique multiple (MCS) était « vivante », occupée, stimulante, je bougeais, je sortais, je rencontrais des gens, je m’impliquais dans différentes organisations et comités, je participais, je découvrais, j’apprenais !

J’étais vivante.

Comment l’état de santé a-t-il commencé ? Un jour, au travail, on scellait les fenêtres avec un produit de calfeutrage qui avait une forte odeur. Suite à cette exposition, j’ai eu un gros rhume. Les symptômes se sont répétés à chaque fois que ce type de produit était utilisé. À l’époque, je ne comprenais pas ce qui n’allait pas et pourquoi je réagissais ainsi. J’ai fait des tests d’allergie qui se sont révélés négatifs.

Avec le temps, mes symptômes ont augmenté après des expositions à différents produits, tels que des parfums, des fragrances, des shampooings, des détergents ou des déodorants, etc. Mes symptômes comprenaient la sinusite, la congestion bronchique, l’asthme, le manque de concentration, l’irritabilité, l’anxiété et le manque d’énergie. J’avais de plus en plus de difficultés à faire les choses que j’avais toujours faites, et je ne comprenais pas pourquoi. Le temps de réaction pour développer des symptômes après une exposition semblait être plus rapide, et je semblais avoir un nombre accru de symptômes à différents produits ou parfums.

J’ai changé d’emploi et j’ai commencé à travailler dans un bureau. L’un des employés, parmi d’autres, portait un parfum très fort qui dégageait une odeur intense. On pouvait savoir où elle était allée car elle laissait son parfum derrière elle – ses mouvements pouvaient facilement être suivis. Chaque fois qu’elle venait dans mon service, je souffrais de symptômes tels que : toux, asthme, sinusite, maux de tête, incapacité à me concentrer et douleurs musculaires.

À chaque nouvelle exposition aux parfums de mes collègues, qu’il s’agisse de produits de lessive, de parfums ou de déodorants, les symptômes s’aggravaient et j’avais de plus en plus de mal à me remettre de ces crises. J’en ai parlé à mon responsable, mais celui-ci ne comprenait pas vraiment. On finit par me changer de place, une section un peu plus loin, mais il était trop tard, le mal était fait. Il a fallu trop de temps pour agir, il y avait trop d’incompréhension, il n’y a pas de sensibilisation qui se fait à ce sujet. J’étais devenue si réactive qu’il n’y avait aucun endroit dans le bureau où je pouvais travailler. Je portais un masque avec un filtre à charbon toute la journée au travail. C’était inconfortable et chaud. Mes réactions étaient un peu moins violentes de cette façon, mais ce n’était pas suffisant.

Un épisode particulièrement violent s’est produit lorsque je suis allée aux toilettes après une personne qui portait du parfum. L’exposition a déclenché une violente quinte de toux, si intense que je n’arrivais plus à reprendre mon souffle. J’ai appris de première main que manquer d’air est assez effrayant.

Mes demandes pour un environnement sans parfum ont reçu la même réponse : « On ne peut empêcher les gens d’utiliser des produits parfumés. » Je me fais la réflexion que oui si c’est pour la santé des gens et qu’on pourrait faire une section sans parfums, comme cela se fait dans d’autres provinces. (Une personne me racontait que lors de ses voyages d’affaires en Ontario elle a constaté que des entreprises ont des sections fermées sans parfums. Alors pourquoi pas ici ?) Mais cela est une réflexion personnelle.

Je ne pouvais plus supporter les expositions, et j’ai donc dû prendre ma retraite bien des années avant de pouvoir me le permettre. J’ai maintenant une petite retraite misérable et je dois me débrouiller avec cela, à cause des produits parfumés.

Grâce aux mesures de la COVID qui ont permis le télétravail à domicile, j’ai pu reprendre le travail. Mais la maladie de MCS a tellement progressé que maintenant, même le travail à domicile est difficile. Les produits de lessive des voisins, qui déclenchent un nombre croissant de symptômes et qui m’affectent immédiatement, et la fumée de cigarette des voisins, me rendent de plus en plus malade. J’étouffe. Je ne peux plus sortir à cause de la lessive et de l’assouplissant qui émanent des maisons du quartier. Il semble que l’air extérieur soit imprégné de ces produits chimiques et qu’il fasse partie de l’air ambiant extérieur. Il n’y a plus d’endroit où vivre pour les personnes qui souffrent de cette maladie.

J’ai ressenti les premiers symptômes du MCS il y a près de 30 ans, mais j’ai été diagnostiquée à l’été 2020. J’ai fait le lien avec les produits parfumés, les parfums, au moins deux ou trois ans avant cela.

Le dentiste a compris mes demandes d’adaptation. Lorsque je suis arrivé au cabinet dentaire, je n’ai perçu aucune odeur, mais j’ai commencé à tousser et je n’ai pas pu m’arrêter. En m’approchant de l’hygiéniste dentaire, j’ai senti l’odeur de ses produits de lessive et elle a dû changer d’uniforme, sinon j’aurais dû partir sans traitement. Ce fut une expérience douloureuse. Bien que l’hygiéniste dentaire se soit sentie mal et qu’elle ait pris des mesures pour m’aider, j’ai quand même été frappée par le fait que, même si nous expliquons les besoins liés à ce problème de santé, les gens ne comprennent pas vraiment.

Il est évident que nous avons besoin de plus d’éducation et de sensibilisation à ce problème. Ce n’est pas en nous ignorant que le problème de santé disparaîtra !

J’ai encore beaucoup de désirs, beaucoup de rêves, mais aucune possibilité d’essayer d’en réaliser certains. Je ne peux plus voir personne ni aller nulle part, comme dans les épiceries, les événements, les fêtes, etc. car les expositions constantes me rendent de plus en plus malade.

Je suis doué et intelligente, j’aime participer et j’ai des capacités. Mais il m’est impossible de les mettre à profit dans la communauté et de me rendre utile à cause de mon état de santé et de l’absence de volonté politique et sociale de changer les choses et de laisser les personnes atteintes de MCS prendre leur place dans la société.

Qu’est devenue ma vie aujourd’hui ? Je n’ai plus de vie. Je ne vois plus d’opportunités de carrière, plus de hobbies ou d’opportunités de développement personnel, plus d’apprentissage non plus. Devant moi, il n’y a que du vide.

Un nombre croissant de produits m’affecte désormais. Les pires sont les produits de lessive parfumés, les parfums, les déodorants, les shampooings parfumés, les cosmétiques, les crèmes pour le corps, le visage et les mains, le tabac, les désinfectants parfumés, etc. Ils sont trop nombreux pour être mentionnés.

Les réactions que j’ai à ces expositions peuvent différer d’un produit à l’autre, mais le plus souvent maintenant, les symptômes sont les suivants : problèmes respiratoires, asthme, toux, congestion des sinus, manque de concentration, agressivité, incapacité d’agir (brouillard cérébral), douleurs musculaires, et tout cela me laisse beaucoup de désespoir.

Le monde médical ne m’aide pas beaucoup. Mon médecin est assez indifférent à mon état de santé et j’ai l’impression qu’il voudrait se débarrasser de moi ou me faire disparaître. L’indifférence que je reçois je la reçois avec une certaine violence.

Comme c’est le cas pour les personnes vivant avec cet état de santé, il m’est très difficile d’accéder à tout type de soins de santé, que ce soit pour un médecin, un dentiste, un optométriste, etc. Accéder à d’autres services essentiels comme la pharmacie, ou simplement faire ses courses, est un parcours du combattant puisque les expositions sont partout dans les produits de nettoyage et d’entretien et dans les produits utilisés quotidiennement par le grand public. C’est très difficile pour moi, de simplement avoir une vie.

Même ma famille a du mal à comprendre cet état de santé et ce dont j’ai besoin pour pouvoir vivre en bonne santé. Les gens ont tendance à s’accrocher à leurs produits préférés. Ils comprennent difficilement les effets que cela peut avoir sur ma santé. Ce n’est pas par méchanceté mais plutôt par méconnaissance

Lorsque j’ose dire que je ne veux pas participer à un évènement familial ou autre, il y a beaucoup d’incompréhension. Ils comprennent qu’une personne peut être allergique aux cacahuètes et qu’elle doit donc les éviter, mais il leur est difficile de comprendre que je dois éviter ces produits chimiques pour vivre en bonne santé. Je ne sais toujours pas comment respirer à temps partiel !

Si les autorités compétentes du Québec ne sensibilisent pas les personnes à la condition médicale du MCS, alors comment pouvons-nous avoir accès à des soins médicaux sans parfums et fragrances, et sans aggraver l’état de santé ?

Il n’y a aucun doute que cette condition de santé représente un fardeau socio-économique important. Il est temps pour les décideurs de supprimer ces produits chimiques polluants inutiles qui nous empêchent d’accéder aux soins médicaux et à d’autres environnements. Il est important pour nous d’avoir accès aux soins de santé et aux services essentiels, comme tout autre citoyen. La sensibilisation du public à l’impact de ces produits chimiques sur la santé et l’environnement se traduira par des choix plus sains.

Le droit de respirer, et surtout de respirer de l’air pur, est un droit qui prime sur tous les autres. Le monde médical doit l’encourager et le soutenir.

J’ai une malformation cardiaque (valve aortique bicuspide) que je dois faire opérer. C’est une opération lourde. Je ne sais pas comment je survivrai à cette opération à cause des parfums et des fragrances contenus dans les uniformes, les déodorants, les shampooings parfumés, etc. utilisés par le personnel, et des produits de nettoyage utilisés dans les hôpitaux.

Je n’ai rien fait pour obtenir cet état de santé. Ce n’est pas une punition pour quelque chose que j’ai fait. Cet état de santé, pour moi, a été déclenché par l’exposition aux produits chimiques contenus dans les parfums. Il s’agit d’une maladie maudite que l’on tarde à reconnaître. Le refus de le faire entraîne une charge énorme pour les personnes qui souffrent et sont handicapées, et qui dépendent, demandent et exigent de leurs gouvernements qu’ils agissent !

Je termine en vous faisant part de ce que je ressens. Je suis en colère, méfiante, effrayée, anxieuse, découragée et désespérée. Je sens qu’il n’y a pas de place pour moi. Il n’y a pas d’air que je puisse respirer.