ASEQ-EHAQ

L'Association pour la santé environnementale du Québec / Environmental Health Association of Québec

Votre voix compte

Exister (et non « vivre ») avec la sensibilité chimique multiple (MCS)

Ruth Woitowitz

Première partie

Maintenant, je me suis endormie, priant afin de pouvoir mieux respirer ;

Mais ma chambre se remplit de fumée et à chaque inspiration, j’étouffe !

J’ai tenté de sceller toutes les fissures pour bloquer la fumée à sa source.

Fermé les fenêtres, scellé la porte – maintenant la fumée s’infiltre par le plancher.

Mes meubles et mon tapis puent – « Odeur de fumée viciée » : le nouveau chic.

J’ai essayé de défendre mes droits – tout ce que j’ai pu obtenir : des nuits blanches.

Je suis prisonnière chez moi pendant que les voisins enfumés circulent librement.

J’ai les yeux, le nez, la gorge en feu – mon seul désir : « une maison sans fumée ».

L’industrie du tabac génère ses revenus – on ne peut perturber de tels flux de trésorerie.

Les gouvernements esquivent la situation, trahissant chaque non-fumeur.

Les propriétaires ne prennent pas position – les droits des fumeurs sont leur mot d’ordre.

Je n’ai pas les moyens de partir – dans ce nuage de fumée, je devrai rester.

le 16 mai 2014

En 1997, j’ai quitté un sous-sol rempli de moisissures pour m’établir dans un immeuble à logements multiples où, pendant plus de 20 ans, j’ai respiré et me suis imprégnée bien malgré moi de la fumée des cigarettes de mes voisins, de leurs produits parfumés pour soins personnels, lessive et nettoyage, et plus tard de toutes leurs émanations de marijuana. Hélas, mon propriétaire n’a pas donné suite à mes plaintes ni reconnu que ces fumées et ces odeurs nuisaient à ma santé. Et chaque fois que j’ai voulu bénéficier d’accommodements en raison de mon handicap, mon propriétaire a fait la sourde oreille ou m’a ignorée. Un autre locataire m’a agressée verbalement alors que je lui demandais poliment de ne pas propager sa fumée de cigarette dans le couloir. J’ai reçu un diagnostic d’hypersensibilités environnementales (ES) / hypersensibilité chimique multiple (MCS) en janvier 2017.

Deuxième partie

Le MCS, un handicap qui hypothèque la vie. Vous ne souhaitez pas cela à votre pire ennemi.

Ce handicap a dérobé ma liberté, ma santé mentale et mon bien-être.

Il a atteint ma dignité, mon bonheur et ma richesse.

Les gouvernements s’en fichent, ils nous ont mis de côté.

Ils ont juré de nous aider, mais comme toujours, ils ont menti.

Leurs promesses de nous assurer des soins de santé se sont amoncelées,

alors que tous ignorent notre sort – nous sommes des « moutons noirs ».

Il n’existe aucun logement SÉCURITAIRE exempt de fumée et d’odeurs

lorsqu’on est trop pauvre pour honorer les loyers de logements de qualité.

Prise au piège dans cette VASE où les produits chimiques circulent impunément,

sans espoir d’en réchapper, ni d’endroit sûr où aller.

J’ai dénoncé et poursuivi mon propriétaire à la Régie du logement :

j’ai obtenu un règlement hors cour, mais ces démarches furent si longues.

Des rénovations furent effectuées, mais l’air s’est VICIÉ davantage !

Mon cauchemar se poursuit donc…

J’ai l’impression de subir un mauvais sort.

Il se fiche que l’air soit inférieur aux normes,

que la fumée et les odeurs s’infiltrent chez moi librement.

Il « a fait son devoir » et refuse d’en faire davantage.

Je suis séquestrée dans un donjon, écrouée derrière une porte de plastique.

« Tu es trop hypersensible »,

« Il n’y a pas de fumée dans l’air »,

« Vous simulez des symptômes »,

« On s’en fiche ».

Les accommodements ? – tout au mieux, ils sont peu nombreux et rarissimes.

« le MCS n’existe pas », « Vous devriez plutôt avoir recours à un psy ».

Mes symptômes MCS

Fonctions atteintes :

  • Système respiratoire : essoufflements, toux, respiration sifflante;
  • Fonctions neurologiques : étourdissements, pertes en mobilité, équilibre et concentra­tion, incapacité à parler ou pauvre élocution, troubles du sommeil, maux de tête, migraines, « épisodes d’inertie » où bien que j’entende tout, je ne peux ni bouger, fonctionner ou parler;
  • Système cardiovasculaire : palpitations cardiaques, variations de pression artérielle;
  • Muscles et articulations : courbatures et douleurs
  • Système gastro-intestinal : nausées, vomissements, diarrhées.

Troisième partie

Je ne peux quitter l’enceinte que mon entrepreneur a érigée

pour me garder à l’abri de ses produits chimiques alors qu’il rénovait.

Tous mes biens sont entassés autour de moi,

dans ce donjon de 200 pieds carrés, d’où je voudrais tant m’évader.

Entourée de boîtes empilées du plancher jusqu’au plafond

où je ne peux trouver ce dont j’ai besoin ou ce qui pourrait me satisfaire.

Je ne peux déballer tous ces effets, faute de place,

de sorte que les boîtes s’accumulent, côte à côte, remplies à capacité.

Fumée de cigarettes et de cannabis, parfums et arômes,

qui nuisent à ma santé et empestent ce réduit de fortune.

Les prisonniers jouissent de meilleures conditions de logement…

le MCS entraîne tant d’inégalités.

Imprégnés de fumée, mes meubles furent emportés depuis longtemps,

à l’exception d’un module de rangement et du lit sur lequel je dors.

J’ai tant perdu en raison des odeurs et des fumées de l’entourage :

comment peut-on penser que le MCS est une chimère ?

Je ne bénéficie pas d’un droit ASSURÉ à l’air frais ou la lumière du soleil –

isolement et confinement seront mon lot continuel.

La fenêtre est scellée afin de bloquer la fumée :

je ne peux jouir de l’air frais ou du soleil, mais au moins je n’étouffe pas.

La chaleur l’hiver ou l’air climatisé l’été ne me sont guère accessibles

puisque les conduits sont scellés pour me protéger de la fumée et des odeurs.

Pour cuisiner mes repas, je suis privée du four ou du poêle

et je dois me contenter d’aliments crus… ou de ce que j’obtiens du micro-ondes.

Ma salle de bain me sert à tant de corvées :

préparation de repas, lavage de vaisselle, lessive, et plus encore.

Ma chambre n’est plus réservée à mon seul repos,

mais j’y regarde la télévision, j’envoie des courriels, cuisine et mange.

Pas de chaton à flatter, ni litière ou poteau à griffer.

Mon chaton est désormais au ciel, avec Jésus.

J’ai conservé ses photos et ses cendres sont bien en vue…

mais baisers et câlins seraient bien plus réconfortants.

La COVID est survenue et a causé bien des ravages,

la quarantaine et ses contraintes m’ont davantage abattue.

Je ne pouvais obtenir des soins de santé sans craindre la COVID ;

je suis donc restée à la maison, isolée, mon humeur dépérissant peu à peu.

J’évitais les endroits publics tels l’épicerie ou la pharmacie,

tant des produits chimiques trop forts empoisonnaient l’air.

Personne pour m’aider, je suis laissée seule à moi-même.

Mes contacts se limitent aux soins virtuels, courriels et appels téléphoniques.

Je ne sors de cette réclusion que pour ouvrir la porte

aux livraisons d’épiceries, de médicaments et autres commodités.

Je descends chercher mon courrier toutes les deux semaines

(les couloirs sont dégagés chaque matin entre minuit et 1h00).

Le voisinage de mon donjon empeste de produits chimiques à profusion –

car la nuit, ces fumées si horribles de cigarettes et de drogues sont bien pires.

Je déteste cette geôle, je déteste le MCS – mais je reste aux prises avec l’un et l’autre:

le gouvernement a ignoré tous mes SOS.

Le 16 avril 2021