Votre voix compte
Est-ce que quelqu’un s’en soucie ?
Renée Gabrych
Le manque d’accommodement pour un handicap
Ginger Major
Je suis fatiguée de vivre un enfer
Olly Gabrych
Crise du logement pour les personnes atteintes de SCM/MCS
Line
La vie volée
S. Shepherd
Une Morte Vivante
Qu’est la sensibilité aux produits chimiques (MCS)
Sylvie Haché
Nulle part où courir, nulle part où se cacher
Muriel Létourneau
Quand la vie devient un cauchemar
Mon histoire de vie avec des sensibilités chimiques multiples
Danielle Castonguay
Je souffre trop, je ne peux plus me taire !
Je me sens inspirée d’une mission
Line
Quand la « maladie invisible » devient visible
– ou –
Une dame monstrueuse vient nous visiter
Lisa Edelsward
L’histoire d’une enseignante
Marlene
Vivre avec l’impression d’être en sursis
Isabelle Martineau
Le MCS : UN HANDICAP QUI CHANGE LA VIE
Ruth Woitowitz
Exister (et non « vivre ») avec la sensibilité chimique multiple (MCS)
Ruth Woitowitz
Une des chanceuses !
Debra Aronson
Mon parcours de malade
Sophie M.
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Quand la « maladie invisible » devient visible
– ou –
Une dame monstrueuse vient nous visiter
Lisa Edelsward
Il semblerait que j’ai ressenti des hypersensibilités environnementales toute ma vie. Ma mère m’a témoigné de certaines réactions qu’elle a pu observer lorsque je n’étais qu’une enfant, qu’il s’agisse d’une toux chronique ou d’allergies causées par le soleil, mais tout est rentré dans l’ordre dès l’âge de 5 ans, lorsque nous avons emménagé dans un environnement plus sain. La majeure partie de mon enfance et les premières années de ma vie adulte ont été relativement « normales ». J’ai voyagé et travaillé dans le monde entier – je menais une vie merveilleuse ! J’ai commencé à éprouver certains problèmes de santé chroniques lorsque je suis retournée au Canada afin de poursuivre des études supérieures, et j’ai alors vécu au centre d’une grande ville. À ce moment, je ne réalisais pas que j’étais revenue non loin de la maison de mon enfance, l’endroit même où j’avais ressenti des problèmes de santé chroniques les premières années de ma vie. Au début, mes symptômes étaient passagers bien qu’assez gênants, mais pas réellement graves me semblait-il. Malheureusement, les situations parfois évoluent, et pas toujours pour le mieux. J’ai achevé mon doctorat et commencé une nouvelle carrière en recherche, mais mes symptômes m’ont tellement handicapée que je fus incapable de continuer. Petit à petit, j’ai appris à mieux gérer cette situation. Mais vous connaissez sans doute ce qui serait souhaitable dans l’apprentissage par la pratique – il vaudrait mieux avoir de l’expérience ! Je pourrais bien vous raconter plusieurs histoires, mais je ne me limiterai aujourd’hui qu’à une seule.
En 2013, mon conjoint fut convié à l’Université de Sydney, le temps d’un semestre. Au cours de cette aventure, nous avons pu réaliser enfin l’un de mes rêves de toujours en séjournant tout le mois de janvier dans le Pacifique Sud, traversant d’une île à l’autre dans la Polynésie française et les îles Cook. Après seulement deux semaines dans le Pacifique Sud, j’ai commencé à me sentir bien. Je me suis dit : « Je ne me suis jamais sentie aussi bien depuis des décennies ! Je ne voudrai jamais quitter ces lieux ! »
Puis nous nous sommes envolés pour Sydney. Cependant, mon état de santé s’est aggravé dès que nous avons atterri dans cette grande ville. Mais j’ai vite compris comment tirer le meilleur parti de l’environnement australien : le logement que nous occupions était non loin de la mer, et facile d’accès en bus. J’ai alors constaté que je ne me sentais bien que lorsque personne ni rien ne s’interposait entre moi et l’air marin. Je me baignais les pieds dans l’eau, les autres baigneurs allongés sur le sable derrière moi, et je respirais cet air marin si bienfaisant – c’était génial! Mais sitôt je revenais sur la plage de sable, je me sentais envahie par les émanations de crème solaire et autres produits personnels parfumés dont se badigeonnaient ces autres baigneurs sur la plage. Les bénéfices de l’air marin étaient si faciles à constater que mon conjoint a rapidement convenu que « son travail serait à l’université tandis que le mien se limiterait à me promener au bord de la mer. »
L’Australie fut alors un laboratoire parfait pour attester des effets néfastes des polluants, si minimes soient-ils. Pendant plusieurs mois, j’ai joui jour après jour de cet air si pur, mais également de brèves périodes de légères expositions, dont les effets néfastes devenaient largement évidents. Au cours de ce séjour de quatre mois, j’ai bénéficié d’un rétablissement graduel mais très significatif – malheureusement suivi d’une rechute brutale au cours des vingt-quatre heures qui ont suivi notre retour au Canada.
Dès notre retour d’Australie, nous avons loué un logement dans le centre-ville, non loin de l’endroit où travaillait mon conjoint. Alors que nous recherchions un logement, l’un de ceux que nous visitions avait des planchers de bois rénovés depuis peu – et le seul souvenir qui m’est resté de ce logement, c’est bien l’odeur puissante du vernis de ses planchers.
Ultérieurement cette même année s’est manifestée l’une des plus graves réactions dont je fus victime en raison de multiples expositions aux produits chimiques. Une enflure si sévère du visage m’a à tel point défigurée que je l’ai surnommée « la dame monstrueuse ». Dans notre logement de Montréal, au cours du mois de novembre, je me suis réveillée un matin pour découvrir que « la dame monstrueuse » venait nous rendre visite. J’ignorais totalement ce qui me faisait réagir de la sorte, et ne pouvais soupçonner que ces travaux de rénovation dans le garage au sous-sol où l’on coulait du ciment. Même si notre logement au septième étage se trouvait neuf étages au-dessus de ce stationnement, je n’ai pu détecter aucune autre source possible de mon mal. Je n’étais pas en mesure de discerner quelle senteur particulière me gênait, car la pollution atmosphérique de la ville brassait tellement d’odeurs diverses. Personne d’autre dans l’immeuble ne pouvait sentir ou réagir à quoi que ce soit, même si je fus alors victime d’une grave enflure du visage et d’une éruption cutanée très vive.
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Les trois jours subséquents, j’espérais que la situation s’améliore, mais ce fut en vain. Nous avons donc quitté ce logement pour nous rendre dans notre maison en forêt. Chemin faisant, et malgré la pollution que dégageait la circulation routière, mon visage commençait déjà à se rétablir légèrement.
Malheureusement, dès notre retour, la fournaise de la maison est devenue défectueuse et laissait s’échapper en crachant dans toute la maison des gaz et des fumées. Mon état s’aggravait de nouveau. Après quelques jours, puisque la situation était devenue pour moi intolérable, j’ai tenté de vivre sous notre portique pendant près d’une semaine (en décembre, le thermomètre descendait de –10o à –15o Celsius), dormant sur une chaise-longue estivale sous des couvertures d’imitation de fourrure et un sac de couchage de duvet. Mais comme je devais me rendre régulièrement dans la maison pour préparer les repas et utiliser les autres commodités, mon état ne s’est guère amélioré.
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Malheureusement pour moi, mon médecin était justement absent ce jour-là alors que ma prescription d’antihistaminique – qui réduit considérablement mes symptômes – était arrivée à échéance. La production particulièrement pure de cet antihistaminique (la diphénhydramine), prescrit sous ordonnance, n’admet aucun colorant ou agent de liaison et me convient parfaitement, puisque je réagis fortement à l’ajout de tout produit chimique. En désespoir de cause, je me suis rendue dans une clinique sans rendez-vous afin d’obtenir une nouvelle prescription de cet antihistaminique bien connu. En m’examinant, la médecin a fortement réagi, exigeant que je me rende en ambulance à l’urgence de l’hôpital (même si j’étais venue à sa clinique en voiture et que cette réaction durait déjà depuis quelque deux semaines). Mon visage était gonflé à tel point qu’elle craignait que je sois victime d’une réaction mortelle, comme cela peut arriver lors de gonflements de la gorge. J’avais beau lui expliquer que maintes fois cette réaction s’était manifestée sans causer de graves conséquences, et qu’une simple prescription suffisait à m’en guérir, elle refusait catégoriquement de me laisser partir sinon en ambulance. Je ressemblais à une prisonnière en état d’arrestation !
Évidemment, l’atmosphère à l’urgence était fortement contaminée par les antiseptiques et les parfums du personnel hospitalier, ce qui n’a guère amélioré mon état. L’urgentiste était lui aussi convaincu que je souffrais d’une infection bactérienne possiblement mortelle, me montrant les photos d’érysipèle de son cellulaire (bien sûr, même les médecins ont parfois recours à Google dans l’exercice de leurs fonctions).
J’insistais auprès de l’urgentiste pour affirmer que je ne souffrais par d’érysipèle, même si la photographie de l’infection pouvait ressembler à mon mal. J’affirmais qu’il s’agissait d’une réaction dont j’avais souffert à plusieurs reprises et que seule une nouvelle prescription de mon antihistaminique pouvait suffire à régler ma situation. Après avoir obtenu quelques analyses sanguines ne confirmant pas son diagnostic, il accepta de signer mon congé. Il me recommandait toutefois fortement de revenir à l’hôpital si l’éruption cutanée continuait à se propager, afin d’y subir d’autres analyses et, si nécessaire, entamer immédiatement des traitements par antibiotiques. J’ai cru alors comprendre qu’une infection d’un stade encore trop précoce peut ne pas être détectée par des analyses sanguines. Se doutant qu’il puisse s’agir d’une réaction allergique, il m’avait à mon insu injecté en intraveineuse de la diphénhydramine préparée en cas d’urgence et il avait pu constater lui-même une certaine amélioration. Mais lorsqu’il m’a laissé partir, il ne m’avait même pas remis la prescription que je souhaitais. Il m’a simplement recommandé un antihistaminique vendu sans ordonnance, et puisqu’il était alors trop tard pour consulter un autre médecin, j’ai suivi ses conseils. Comme j’aurais pu m’en douter, une forte réaction s’est manifestée, aggravant aussitôt ma situation. Cette expérience m’a servi de leçon pour ne jamais plus recourir à l’urgence, où mes problèmes chroniques de santé ne sont tout simplement pas reconnus. Le lendemain, je devais consulter une fois de plus le médecin de la clinique sans rendez-vous pour obtenir la prescription de ce médicament de composition pure que j’avais d’abord demandée. Le médecin de la clinique, satisfait du diagnostic de l’urgence, m’a finalement remis la prescription, quelque vingt-quatre heures après ma première demande. J’ai donc pris cet antihistaminique à intervalles réguliers pour minimiser la gravité de mes symptômes, jusqu’à ce que mon visage soit parfaitement rétabli beaucoup plus tard.
J’ai alors concluque je ne pouvais guérir chez moi, car les techniciens ne semblaient pas trouver l’origine de cette défectuosité de la fournaise même après plusieurs interventions à mon domicile. Le 2 décembre suivant, j’ai donc emménagé dans une chambre d’hôtel hypoallergénique en vue de mon rétablissement. Et à cet endroit, l’enflure a sitôt diminué. Mais bien que l’enflure s’amenuisait, l’éruption cutanée continuait néanmoins à se propager. J’ai finalement réussi à consulter mon médecin traitant, qui fut d’avis que l’éruption cutanée pouvait révéler une infection, pour laquelle elle a jugé bon de me prescrire des antibiotiques. Elle a également ajouté une ordonnance de Prednisone pour tenter de réduire la réaction plus rapidement. Malgré les antibiotiques, l’éruption persistait toujours davantage. Je commençais à désespérer de toute cette situation, car mon conjoint et moi devions nous envoler pour Hawaï le 6 décembre ! Le 5 décembre, la soirée précédant mon départ tôt le matin, mon médecin recommandait que j’annule mon vol pour me rendre immédiatement à l’urgence afin d’y subir d’autres tests, puisque seul un laboratoire en centre hospitalier peut fournir des résultats immédiats. À cet hôpital, autre que celui où les ambulanciers m’avaient menée, les analyses sanguines ont de nouveau confirmé qu’aucune infection ne se propageait.
Ces résultats de laboratoire en main, le médecin de garde a finalement conclu que je souffrais sans doute d’une grave réaction allergique. Mon médecin traitant avait auparavant formulé l’hypothèse que l’éruption soit une réaction allergique à l’huile de vitamine E que j’utilisais pour soulager ma peau qui m’incommodait tant, mais je ne croyais guère en une telle hypothèse puisque j’avais déjà pris quotidiennement de tels suppléments de vitamine E sans noter aucune réaction. J’ai néanmoins cessé d’utiliser l’huile de vitamine E sur mon visage, ignorant totalement la cause de mon mal. En quarante-huit heures, mon visage commençait à se rétablir et la coloration rouge vif commençait à s’estomper, la peau atteinte du visage pelant peu à peu. J’ai alors constaté que l’étiquette de la bouteille m’avait littéralement bernée, car elle portait la mention « HUILE PURE DE VITAMINE E » en gros caractères, alors que de petits caractères au dos du contenant révélaient qu’il s’agissait plutôt d’acétate de tocophérol, ce qui ne peut constituer une huile pure.
Maintenant convaincue que mon mal était sur le point de guérir, et qu’il ne s’agissait nullement d’une infection bactérienne pouvant se propager, j’ai réservé à nouveau le voyage que nous avions planifié. Mon visage s’est amélioré – mais seulement une fois que toute la peau ait complètement pelé, ainsi qu’on peut l’observer après un violent coup de soleil. Nous avons réussi à nous envoler pour Hawaï, où nous avons finalement atterri le 9 décembre, mon visage là-bas se rétablissant ultérieurement. Dès notre retour, j’étais devenue beaucoup plus sensible qu’auparavant et je commençais à réagir plus ou moins fortement à de nombreuses expositions plus légères, pour des produits qui ne m’avaient jamais incommodée dans le passé.