La sensibilité chimique multiple : La pollution chimique de l’air intérieur est le nouveau tabac
L’Organisation mondiale de la santé nous avertit aujourd’hui que la pollution atmosphérique figure parmi les cinq principaux facteurs de risque de développement de maladies chroniques non transmissibles, telles que les troubles cardiovasculaires, respiratoires et neurodégénératifs, avec le tabagisme, la consommation nocive d’alcool, les régimes alimentaires malsains et l’inactivité physique.1 Nous savons également que, comme nous passons 90 % de notre temps à l’intérieur, la plupart de nos expositions se produisent en fait dans l’environnement intérieur, qui est également pollué par davantage de substances chimiques qu’à l’extérieur.
Que toutes ces expositions soient nocives ou non dépendent de nombreux facteurs, mais nous savons que tous les organismes vivants perçoivent les expositions à de faibles doses de substances étrangères et synthétiques. Ils le font au niveau cellulaire en utilisant des systèmes de récepteurs de détection précoce qui détectent les produits chimiques de l’environnement. Les récepteurs sont des structures à la surface ou à l’intérieur d’une cellule qui perçoivent un signal chimique. C’est ainsi que les hormones envoient des messages de signalisation aux différents tissus de l’organisme. Lorsque les récepteurs qui détectent les substances étrangères sont stimulés, les cellules réagissent en stimulant certains gènes afin de promouvoir la détoxification avant que les produits chimiques ne puissent provoquer un dysfonctionnement cellulaire ou une perte de cellules conduisant finalement à un dysfonctionnement mesurable des organes.
Le récent rapport publié par l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) a ignoré ces faits lorsqu’il a conclu que l’anxiété était la cause de la sensibilité chimique multiple (SCM/MCS). Ils n’ont pas non plus reconnu la majorité des recherches scientifiques qui démontrent que ces mêmes récepteurs peuvent être sensibilisés à de multiples produits chimiques à de faibles doses. Ils ont ignoré la multitude d’études publiées dans des revues scientifiques évaluées par des pairs qui ont démontré à plusieurs reprises que ces récepteurs sont sensibilisés chez les patients atteints de SCM/MCS, ce qui est essentiel au développement des symptômes. Les auteurs de l’INSPQ ont mal interprété des études de scintigraphie cérébrale utilisant des stimulants connus de ces récepteurs qui ont montré que les patients atteints de SCM/MCS traitent les odeurs de façon neurologique différente dans les zones du cerveau qui contiennent ces récepteurs. Au lieu de cela, ils se sont vantés d’avoir démystifié les théories biologiques de la SCM/MCS et ont affirmé qu’elle était causée par l’anxiété.
Le rapport de l’INSPQ est clairement biaisé par une mauvaise méthodologie. De multiples études et concepts ont été omis ou ignorés. De nombreux experts ont fourni des corrections détaillées basées sur la prépondérance de la littérature évaluée par les pairs qui a été omise dans le rapport. Au lieu d’engager la discussion, les auteurs du rapport de l’INSPQ refusent de reconnaître ce qu’ils ont omis ou sa signification, s’appuyant plutôt sur leur position hégémonique en tant qu’organisme faisant autorité, bien qu’ils n’aient aucune formation, éducation, expérience ou expertise concernant la SCM/MCS.
Une autre raison de leurs conclusions biaisées est qu’ils ont refusé de suivre les protocoles de recherche établis pour les revues de santé. Il est universellement reconnu par les décideurs politiques, les chercheurs et les organismes de financement de la recherche qu’un partenariat complet avec les patients est essentiel à toute entreprise de recherche moderne. Inclure les patients et le public en tant que partenaires dans la recherche est une bonne pratique acceptée.2 La contribution des personnes ayant une expérience vécue est essentielle dans la recherche médicale moderne, et les patients ont le droit de contribuer à la recherche sur leur maladie. Réduire les déséquilibres de pouvoir connus entre les chercheurs et les patients est un devoir moral des chercheurs, en particulier avec les groupes opprimés et rarement entendus. Cela inclut certainement la population atteinte de SCM/MCS. Au lieu de cela, malgré trois assurances d’inclusion données par écrit à l’Association pour la santé environnementale du Québec – Environmental Health Association of Québec (ASEQ-EHAQ) par deux directeurs national de santé publique et sous-ministre adjoint du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec (MSSS), l’INSPQ a refusé à plusieurs reprises la contribution de patients bénévoles et d’experts expérimentés depuis le début de leur revue en 2014 jusqu’à ce que le rapport soit terminé et publié sur leur site Web, avec ses conclusions erronées et son potentiel de préjudice pour la communauté des patients atteints de SCM/MCS.
Pendant ce temps, de nombreuses personnes atteintes de SCM/MCS sévère, qui ne peuvent pas trouver de logement sain et approprié au Canada, sont « soutenues » en étant autorisées à mourir avec une assistance médicale. Ce fait horrible a maintenant été rapporté par la presse.3 CTV News a essayé de pratiquer ce qu’ils perçoivent comme une diligence journalistique raisonnable, en fournissant un lien vers l’« Office for Science and Society »4 de l’Université McGill. Ce site Web fait référence au rapport de l’INSPQ en déclarant : « Je lève mon chapeau aux nombreux auteurs du manuel pour ce travail colossal », qui « arrive à la conclusion que les traces de produits chimiques ne sont pas à blâmer et que la SCM/MCS est un type de trouble anxieux dans lequel l’anticipation d’un danger provoque des symptômes physiques très réels et débilitants. »
Étant donné que les preuves scientifiques actuelles montrent que la SCM/MCS est une condition biologique due à la sensibilisation des récepteurs aux produits chimiques, il faut comprendre l’arme du déni. Il s’agit de la stratégie de manipulation raffinée par les industries du tabac5 et du pétrole,6 et utilisée par les négationnistes du changement climatique7 pour promouvoir leurs propres intérêts, malgré le préjudice causé par cette stratégie. Les négateurs de la science n’acceptent les preuves que si elles confirment leurs croyances antérieures – ce qui signifie généralement ignorer ou contredire le poids des preuves récentes. Les négateurs de la science remettent en question les jalons scientifiques et diffusent des informations erronées. En effet, ils tentent de convaincre le public et les médias que les opinions contraires ne sont pas fondées sur une « science solide ». Le négationnisme utilise les voix de ceux qui prétendent être des autorités ultimes sur le sujet en question. Leur objectif est de convaincre qu’il existe des raisons suffisantes pour rejeter les arguments en faveur d’une action visant à lutter contre les menaces pour la santé. Dans ce cas, le message de plus d’un million de Canadiens diagnostiqués avec une SCM/MCS (Statistique Canada, Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes, 2020) selon lequel les gens doivent réduire leur exposition quotidienne aux produits chimiques est remis en question par ceux qui nient et déforment la science. On sait, grâce à la source de statistiques mentionnée ci-dessus, que la prévalence de la SCM/MCS diagnostiquée est en augmentation (Statistique Canada, Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes, 2000-2020).
Ces patients doivent déjà lutter pour vivre et fonctionner dans une société où l’exposition aux produits chimiques est omniprésente. Comme le décrit le rapport final du Groupe de travail sur la santé environnementale de l’Ontario,8 les personnes atteintes de SCM/MCS peuvent gravement influencer différents aspects de la vie quotidienne, notamment le mode de vie, les relations sociales, les conditions de travail et l’emploi, ce qui peut entraîner la perte du soutien familial et social, la réduction des interactions sociales, l’accès aux soins de santé et aux transports publics, la réduction des revenus, l’augmentation de l’invalidité et les litiges avec des tiers. Les conclusions erronées de l’INSPQ et des articles comme ceux de l’« Office for Science and Society » ajoutent au fardeau que représente la SCM/MCS.
L’ASEQ-EHAQ a fourni à l’INSPQ toutes les informations ci-dessus qui leur avaient échappé, y compris toutes les citations à l’appui. Trois mois plus tard, ils les ont balayées d’une phrase, à savoir que toutes ces informations n’ont pas changé leur opinion selon laquelle la SCM/MCS est causée par l’anxiété. Ils continuent à se soustraire à tout examen scientifique transparent et à ignorer les critiques des experts. Leur déni de la sensibilisation chimique comme cause de la SCM est un scepticisme dysfonctionnel, qui n’est pas basé sur un examen complet de la science publiée et qui n’est même pas un débat sain. L’INSPQ n’a pas encore fait son travail, à savoir procéder à une analyse critique exhaustive de toute la littérature pertinente, et non pas à une sélection sélective d’un petit sous-ensemble de ce qu’il aurait dû inclure. L’INSPQ s’est barricadé contre l’examen scientifique transparent et la conversation. Aujourd’hui, les préjudices subis par les personnes atteintes de SCM ont augmenté, ce qui a poussé les personnes ayant une expérience vécue de SCM/MCS et les experts à s’exprimer.
Qu’en est-il des nombreux articles publiés qui montrent que l’anxiété se développe après l’apparition de la SCM/MCS, comme c’est le cas pour de nombreuses autres maladies chroniques ? Il est clair qu’une cause ne peut pas survenir après le développement d’une condition médicale. L’anxiété et la dépression sont plus susceptibles de survenir après le développement d’une SCM/MCS en raison des difficultés à vivre dans un monde d’expositions chimiques omniprésentes et d’une société qui ignore, conteste ou stigmatise les personnes atteintes de SCM/MCS. Le manque de soutien, d’adaptation et de compréhension de cette condition contribue à l’impact de l’incapacité des personnes atteintes de SCM/MCS à accéder aux soins médicaux, au lieu de travail, aux contacts sociaux, aux transports publics, aux lieux de culte et à un logement sain. Et maintenant, les personnes les plus gravement touchées par la SCM/MCS en raison d’un manque dans les accommodements (espaces de vie sains et élimination des obstacles qui déclenchent la SCM/MCS) sont désespérées et se sont tournées vers l’option épouvantable de faire une demande d’aide médicale à mourir auprès du gouvernement et d’y donner suite.
Le négationnisme9 est motivé par la façon dont le négateur aimerait que les choses soient plutôt que par ce que les preuves montrent réellement, ce qui fait du négationnisme scientifique un rejet motivé de la science. Considérez qui a intérêt à nier que les expositions chimiques omniprésentes peuvent rendre les gens malades, et combien cela coûte au reste d’entre nous. Les expositions chimiques courantes sont devenues le nouveau tabac.
Il est temps que ceux qui utilisent leur position d’autorité pour maintenir des opinions influentes et potentiellement nuisibles basées sur des recherches médiocres reconnaissent et corrigent leurs erreurs ou soient tenus pour responsables et remplacés. Il est également temps que les « experts » scientifiques négationnistes qui les soutiennent soient démasqués pour leur interprétation volontairement biaisée et leurs opinions potentiellement dangereuses.
L’Association pour la santé environnementale du Québec – Environmental Health Association of Québec (ASEQ-EHAQ) travaille depuis 2004 à défendre, soutenir, aider et assister les personnes handicapées atteintes de SCM/MCS. Comptant plus de 2 000 membres, l’association s’occupe de l’éducation et de la sensibilisation de ses membres et de la population en général.
Inscrivez-vous à notre campagne de sensibilisation et d’éducation du mois de mai : https://aseq-ehaq.ca/en/events/
Contact :
Courriel : bureau@aseq-ehaq.ca
Téléphone : 514 332 4320
1 https://www.euro.who.int/__data/assets/pdf_file/0005/397787/Air-Pollution-and-NCDs.pdf
2 https://www.bmj.com/content/bmj/362/bmj.k3193.full.pdf
4 https://www.mcgill.ca/oss/article/health/zeroing-cause-multiple-chemical-sensitivity
5 https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1497700/pdf/15842123.pdf
7 https://ehjournal.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12940-021-00723-0